Paul
Craig Roberts, le 11 octobre 2015
Editorial
du New York Times - La minorité qui règne sur le pouvoir
Par Nicholas Confessore, Sarah Cohen et
Karen Yourish
Ils
sont majoritairement blancs, riches, âgés et masculins, dans une nation qui se
renouvèle par des électeurs qui sont les jeunes, les femmes, les noirs et les
métis. Dans une nation tentaculaire, ils résident dans un archipel protégé de richesse,
des banlieues très « sélect » saupoudrées dans un petit
nombre de cités et de villes. Et dans une économie qui a forgé des
milliardaires dans une grande variété d’activités, la plupart n’ont fait
fortune dans deux seulement : la finance et l’énergie.
A
présent, ils utilisent leur énorme richesse dans l’arène politique, en
fournissant la moitié de tous les dons aux partis destinés à soutenir les
candidats démocrates et républicains à l’élection présidentielle. A peine 158
familles, et les sociétés qu’elles possèdent ou contrôlent, ont contribué pour
176 millions de $ à la première phase de la campagne, selon une enquête du New
York Times. Il faut remonter au Watergate pour qu’aussi peu de gens et de
sociétés aient apporté leurs dons à des partis pour autant d’argent lors d’une
campagne électorale, la plupart du temps par des canaux estimés légitimes selon
une décision de la Cour Suprême (en faveur de Citizens United il y a cinq ans).
La
fortune de ces donateurs reflète la composition changeante de l’élite
économique du pays. Il y en a peu qui travaillent dans les domaines
traditionnels de l’économie américaine, ou qui soient les héritiers d’une
dynastie fortunée.
La
plupart ont construit leurs propres entreprises grâce à leurs talents et leur
goût du risque pour en faire une source de grande richesse : ils ont créé
des fonds spéculatifs à New York, acheté des concessions pétrolières
sous-évaluées au Texas, financé des films à succès à Hollywood. Plus d’une
douzaine des donateurs de l’élite sont nés en-dehors des Etats-Unis, et ont
immigré depuis des pays comme Cuba, l’ancienne Union soviétique, le Pakistan,
l’Inde et Israël.
Mais,
peu importe le secteur, les familles qui investissent le plus dans les
présidentielles sont très majoritairement de droite (dans la proportion de 138
contre 20), et contribuent à hauteur de dizaines de millions pour soutenir les
candidats républicains qui se sont engagés à éviter les règlementations,
réduire les impôts sur le revenu, les plus-values et la succession, et à
diminuer les avantages acquis. Bien que ces mesures ne servent qu’à préserver
leur propre richesse, les donateurs les décrivent comme la manière la plus sûre
de promouvoir la croissance économique et de préserver un système qui permet
aux autres de prospérer également.
« Il
y a beaucoup de familles dans le pays qui sont à leur compte et qui sont d’avis
que la sur-réglementation représente un fardeau pour les petites
entreprises », déclare Doug Deason, un investisseur de Dallas dont la
famille a contribué à hauteur de 5 millions de $ à la campagne du gouverneur du
Texas Rick Perry et qui maintenant, après l’abandon de M. Perry, est courtisée
par beaucoup de candidats encore en course. « Ils ont réussi. Ils veulent
que d’autres gens réussissent également. »
En
concentrant leurs ressources financières principalement au profit des candidats
républicains, les donateurs rendent aussi la monnaie de leur pièce aux forces
démographiques qui ont poussé l’électorat à soutenir le Parti Démocrate et ses
politiques économiques. Deux-tiers des Américains sont en faveur d’une
augmentation des impôts pour ceux qui gagnent plus d’un million de $ par an,
selon un sondage de juin du New York Times/CBS News, dont 6 sur 10 sont
favorables à une intervention du gouvernement pour réduire l’écart de revenus
entre riches et pauvres. Selon le Pew Research Center, près de 7 sur 10 sont
pour la préservation de la Sécurité sociale et des avantages de Medicare tels
qu’ils existent.
Les
candidats républicains ont fait beaucoup d’efforts pour améliorer leur image
auprès des électeurs d’origine hispanique, des femmes et des Afro-américains.
Mais au fur et à mesure du déroulement de la campagne, les Républicains
dépassent de loin les Démocrates dans l’utilisation des « super
PACS » qui, à l’inverse des campagnes personnelles des candidats, peuvent
rassembler des sommes illimitées de la part d’un seul donateur, et qui
constituent pour le moment l’essentiel des fonds de campagne de cette élection.
Les
158 familles ont contribué chacune à hauteur de 250 000 $ ou plus à la
campagne à la date du 30 juin, selon les statistiques les plus récentes de la
Commission Electorale Fédérale et d’autre données, alors que 200 familles
supplémentaires ont donné plus de 100 000 $. Ensemble, les deux groupes
ont contribué pour plus de la moitié des fonds à l’élection présidentielle –
l’énorme majorité soutenant les Républicains. « Le système de financement
de la campagne électorale est désormais une force contraire à l’évolution des
électeurs et aux politiques auxquelles ils sont favorables », affirme Ruy
Teixeira, un expert en démographie politique du Center for American Progress de
tendance à gauche.
Comme
la plupart des ultra-riches, la nouvelle élite des donateurs est très discrète.
Très peu parmi ceux qui ont été contactés étaient volontaires pour parler de
leurs contributions ou de leurs opinions politiques. Beaucoup de donations ont
transité par des adresses d’entreprises ou des boîtes postales, ou des sociétés
à responsabilité limitée ou des fidéicommis, utilisant les nouvelles voies
ouvertes par Citizens United (et approuvées par la Cour Suprême), qui ont donné
aux sociétés beaucoup plus de possibilités pour financer des candidats. Certains
donateurs, pour des raisons de discrétion ou d’optimisation fiscale, ne sont
pas enregistrés comme propriétaires des résidences dans lesquelles ils vivent,
rendant ainsi encore plus opaques les liens familiaux et sociaux qui les
unissent.
Cependant
des interviews et l’étude de centaines de documents publics – cartes
d’électeurs, statistiques d’entreprises, données de la Commission Electorale
Fédérale (FEC) et autres – font apparaître une classe à part, séparée de la
grande partie de l’Amérique, et étroitement liée géographiquement, socialement
ou économiquement. Pratiquement tous les quartiers où ils résident pourraient
tenir dans le périmètre de la ville de la Nouvelle-Orléans. Mais les minorités
représentent moins d’un cinquième de la population globale de ces quartiers et
virtuellement aucune d’entre elle n’est noire. Leurs résidents gagnent quatre
fois et demie le salaire de l’Américain moyen, et sont deux fois plus nombreux
à avoir une formation universitaire.
La
plupart des familles sont agglutinées autour neuf cités, à peine. Beaucoup sont
voisins, habitant les uns près des autres dans des quartiers comme Bel Air ou
Brentwood à Los Angeles ; River Oaks, un quartier de Houston qui a les
faveurs des cadres de l’énergie ; ou Indian Creek Village, une île privée
près de Miami qui dispose de sa propre police et comprend 35 résidences le long
d’un parcours de golf à 18 trous.
Parfois,
selon les partis, ils sont les parrains des mêmes orchestres symphoniques,
musées d’art, ou programmes de réinsertion des jeunes délinquants. Ils sont
associés dans les affaires, liés par des liens de parenté grâce au mariage et,
à l’occasion, même copains de poker.
Elles
vivent dans le même voisinage :
Famille
Hildebrand - Don : 250 000 $
Famille
Nau - Don : 500 000 $
Famille
Sarofim - Don : 530 000
$
Famille
Flores - Don : 250 000 $
River
Oaks – Country club Houston
Sur
moins de 800 mètres
Famille
McNair - Don :
2 000 000 $
Famille
Ansary - Don :
2 000 000 $
Famille
Kinder - Don :
2 000 000 $
Famille
Krohn - Don : 250 000 $
Plus
de 50 membres de ces familles font partie de la liste de Forbes 400 des plus
importants milliardaires du pays, disposant d’une fortune telle que le don d’un
million de dollars peut sembler relativement faible. Le milliardaire des fonds
spéculatifs de Chicago, Kenneth C. Griffin, par exemple, gagne près de 68,5
millions de $ net par mois après impôts selon les documents du divorce établis
par sa femme. Il a fait don d’un total de 300 000 $ à des groupes
soutenant des candidats républicains à la présidentielle. C’est une grosse
somme comparée à la contribution moyenne de seulement 21,17$ des ménages
américains, selon des données sur le revenu après impôt du Bureau du Budget du
Congrès.
La
richesse des familles de donateurs reflète, en partie, la croissance importante
du secteur des services financiers et le boum du pétrole et du gaz, qui ont été
à l’origine de la transformation de l’économie américaine au cours des
dernières décennies. Elles sont également les bénéficiaires des forces
politiques et économiques qui augmentent l’inégalité des revenus : alors
que la part des richesses et des revenus de la classe moyenne a fondu, ces
familles font partie de celles dont la part a augmenté.
Principalement
dans la finance et l’énergie.
Voir
les 158 familles de donateurs :
http://www.nytimes.com/2015/10/11/us/politics/wealthy-families-presidential-candidates.html#donors-list
Sources: F.E.C. and I.R.S.
filings; voter registrations; property assessment and deed records; corporate filings.
One primary house and industry per family is shown.
http://www.paulcraigroberts.org/2015/09/10/911-fourteen-years-later/
Le Dr. Paul Craig Roberts était Secrétaire-adjoint au Département du Trésor, responsable de la Politique Economique et corédacteur du Wall Street Journal. Il a été éditorialiste pour Business Week, Scripps Howard News Service, et Creators Syndicate. Il a occupé divers postes universitaires. Ses éditoriaux sur internet ont attiré un lectorat mondial. Les derniers livres de Roberts sont The Failure of Laissez Faire Capitalism and Economic Dissolution of the West (L’échec du capitalisme du laissez-faire et la dissolution économique de l’Occident) et How America Was Lost (Comment l’Amérique a été perdue).
Traduction Française : Patrick T revu Isabelle
No comments:
Post a Comment
Note: Only a member of this blog may post a comment.